Écrit par Craig Tapscott.
Trois champions nous éclairent sur le concept de polarisation et comment agir face à des panels de mains polarisées.
Shawn Buchanan est Canadien. Depuis le début de sa carrière, il a empoché presque 4 millions de dollars. Il a remporté en 2007 le WPT Mandalay Championship et a terminé runner-up du HORSE des WSOP en 2010.
Shannon Shorr, joueur professionnel de 25 ans originaire de Birmingham en Alabama, a accumulé plus de 3,2 millions de dollars sur le circuit.
Galen Hall a remporté plus de 3 millions de dollars, dont plus d’un million en tournois sur Internet en 2010.
Craig Tapscott : Le panel d’un joueur est dit polarisé lorsque sa façon de jouer représente une main soit très forte soit très faible. Dans ce cas, comment décidez-vous si vous devez renoncer, suivre ou effectuer un 3-bet ?
Shawn Buchanan : Aujourd’hui, lorsque vous effectuez un 3-bet en tournoi, il est très rare que votre adversaire se contente d’un flat-call. Il va, soit se coucher, soit répondre par un 4-bet. C’est pourquoi je recommande de polariser les panels de vos 3-bets. Réservez-les aux mains très fortes avec lesquelles vous pourrez faire tapis préflop si vous êtes relancé, ou aux mains faibles que vous pourrez plus facilement abandonner. Personnellement, avec des mains relativement fortes comme K-Q, J-10 assortis ou des paires moyennes, je préfère suivre plutôt que de surrelancer.
Shannon Shorr : Je serais tenté d’effectuer un 3-bet lorsque je sens que le joueur qui a ouvert tente de voler le pot. Ce qui est d’autant plus probable que sa position est tardive. Mais, s’il relance en position UTG et que nous avons tous les deux un tapis profond, même avec deux valets au bouton, je serais tenté de suivre pour contrôler la taille du pot plutôt que d’effectuer un 3-bet. En effet, la main de mon adversaire sera alors largement polarisée. Il aura souvent une main monstrueuse qui m’obligerait à jouer un pot énorme sur son 4-bet en réponse à mon 3-bet.
Galen Hall : Le concept de polarisation prend toute son importance à la rivière, lorsque vous miserez soit pour valoriser, soit pour bluffer. Beaucoup de joueurs sont habitués à contrôler systématiquement le pot avec leurs mains moyennes et à bombarder avec leurs mains faibles ou fortes. Pour ma part, post-flop, j’effectue toujours des mises et des relances de différentes tailles, et je n’hésite pas à me « salir les mains » avec les combinaisons moyennes de mon panel. La plupart des joueurs réguliers ne sont pas habitués à ce style de jeu.
C.T. : Comment utilisez-vous le concept de polarisation après le flop ?
S.B. : J’essaie de comprendre quand mon adversaire veut faire croire que son panel est polarisé. Lorsqu’il se contente de donner l’impression de bluffer ou d’avoir la combinaison max, il bluffe souvent. Récemment, dans un tournoi six-max aux WSOP, on m’a distribué Q-Q et j’ai relancé en début de parole. Un bon joueur agressif a suivi de la grosse blinde. Le flop s’est ouvert sur 9-9- 5 tricolore, et, à ma grande surprise, mon adversaire a check-raisé mon continuation-bet. J’ai suivi. Un 2 est tombé au turn et mon adversaire a de nouveau fait feu. À cet instant, son panel était polarisé. Soit il avait un 9 ou une paire de cinq servie, soit il bluffait. J’ai décidé de suivre une nouvelle fois au turn puis j’ai suivi sa mise à la rivière. Il s’est contenté d’un « bien joué »… Bien que certain d’avoir la meilleure main, j’ai jugé inutile de surrelancer. Si mon adversaire avait la combinaison max qu’il donnait l’impression d’avoir, une surrelance aurait eu pour seul effet de me faire perdre un pot plus important. S’il était en bluff, relancer au flop ou au turn aurait mis un terme au coup, et m’aurait fait perdre la valeur de ses bluffs à venir.
S.S. : C’est certain : le concept de polarisation prend tout son sens à la rivière. Dans certaines situations, votre adversaire donnera l’impression d’avoir un panel de mains minuscule, comme lorsqu’il relancera sur un tableau 10♣-9♠-3♠-2♦-K♣. Il ne représentera alors guère que Q-J pour la quinte max, surtout s’il y a eu un peu d’action aux précédentes avenues. Êtes-vous en mesure de bien assembler les pièces du puzzle pour prendre la bonne décision ? Votre adversaire est-il capable de relancer en pur bluff ? De transformer en bluff une paire ? Cherche-t-il à valoriser K-10 ou K-9 ? Est-il suffisamment mauvais pour relancer avec quelque chose comme K-J ? Voilà l’occasion de montrer ce que vous avez réellement dans le ventre !
G.H. : La plupart des bons joueurs jouent de manière similaire avec les deux extrémités de leur panel. Le jeu devient intéressant quand ils décident d’inclure certains types de mains contre des adversaires particuliers dans des situations bien définies. Par exemple, après avoir suivi au bouton une relance en milieu de parole, la plupart des bons joueurs auront l’idée de surrelancer un continuation-bet sur un tableau J♣-9♠-8♠ avec la partie supérieure de leur panel (brelan ou double paire) comme avec des mains sans aucune valeur. Ce qui est intéressant selon moi, c’est la sélection des mains plus moyennes qu’ils vont choisir de mêler à leur panel de relance ; c’est aussi la manière dont ils décideront de jouer 10-8, Q-J, 7-7, 5♠ 4♠ ou A♠ 2♠ en fonction de l’adversaire.