Écrit par Craig Tapscott.
Vanessa Rousso a gagné plus de 3,5 millions de dollars en tournois, que ce soit en live ou online. En 2009, elle a remporté le High Roller de la grande finale de l’European Poker Tour (EPT) à Monte Carlo et a terminé seconde au NBC National Heads-Up Poker Championship.
Liv Boeree a enlevé en 2010 l’EPT San Remo et ses gains en tournois dépassent les 2 millions de dollars.
Maria Ho a été la dernière femme en course au Main Event des World Series of Poker (WSOP) en 2007. Elle a engrangé plus de 1 million de dollars au cours de sa carrière.
Craig Tapscott : Vous êtes trois joueuses qui avez réussi dans un univers dominé par les hommes. Expliquez-nous comment vous jaugez vos adversaires masculins.
Vanessa Rousso : Aujourd’hui, je suis davantage considérée comme une joueuse pro que comme une femme. Mais je me souviens qu’à mes débuts, en 2004, les choses étaient différentes. J’avais repéré trois types d’hommes à ma table : ceux qui me sous-estimaient, ceux qui me considéraient comme leur petite sœur et ceux qui espéraient un rendez-vous. Certains hommes avaient un tel ego qu’il suffisait de leur montrer un bluff pour les mettre hors-jeu pendant au moins deux heures.
Liv Boeree : Si je n’ai aucune information sur le style de jeu de mes adversaires masculins, j’ai tendance à me fier à leur âge. Les hommes plus âgés semblent moins agressifs contre les femmes, et peut-être plus chevaleresques. Inversement, les jeunes joueurs du net nous considèrent souvent comme des proies faciles. Je crois qu’ils nous estiment incapables de miser sans une main valable. Je n’hésite donc pas à surrelancer agressivement ceux que je soupçonne de m’avoir pris pour cible. Contre les hommes, sous-jouer les mains monstrueuses est assez payant également.
Maria Ho : Certains hommes veulent ma peau juste pour claironner qu’ils ont éliminé une joueuse pro. Quand j’ai l’impression qu’un adversaire me sous-estime, je le bluffe plus souvent, principalement parce qu’il ne va pas me croire capable de miser sans une main. Au poker, il faut profiter au maximum du moindre avantage. Le fait d’utiliser l’opinion erronée que quelqu’un peut avoir de vous, parce que vous êtes une femme, est quelque chose que j’utilise à mon avantage.
C.T. : Des exemples de stratégies dans lesquelles le fait d’être une femme est un avantage ?
V.R. : Certains hommes nous croient incapables de bluffer. Il suffit de miser pour qu’ils se couchent. Contre ce genre d’adversaires, les floats sont très efficaces. L’idéal est de se retrouver en tête-à-tête avec la position et d’effectuer un flat-call sur un flop lourd en tirages. Puis, s’il checke ou s’il montre le moindre signe de faiblesse au turn, prenez l’initiative avec une relance. Trois fois sur quatre, vous décrocherez le pot immédiatement. Une mise à la rivière sera parfois nécessaire pour lui faire abandonner le coup. Mais attention à ne pas se faire prendre ! Si le bluff est éventé, vous perdrez votre avantage contre ce joueur qui sera désormais plus méfiant à votre égard.
L.B. : Lors du 6-max des WSOPE en 2010, je m’étais retrouvée à une table de jeunes sharks issus du online. Les parties en 6-max sont certes plus larges que les autres, mais j’avais remarqué que le jeune homme à ma gauche sautait sur la moindre occasion d’effectuer des 3-bets contre moi. Et que le type à sa gauche en profitait souvent pour contrer ses 3-bets avec des 4-bets. Aussi, lorsque ce dernier ne ripostait pas, c’est moi qui plaçais un 4-bet, voire un 5-bet. Une aubaine pour mon tapis ! De plus, certains des plus jeunes joueurs qui débutent en live sont plus gênés par le regard d’une femme que par celui d’un homme. Je me souviens ainsi d’un garçon que l’on pouvait lire comme un livre ouvert. Chaque fois qu’il bluffait et que je le regardais, il se mettait à rougir !
M.H. : Il y avait un homme, au Commerce Casino de Los Angeles, qui se plaisait à répéter que les femmes ne pouvaient pas bien jouer au poker. Ce type suivait facilement 90 % de mes relances, je l’avais également surpris plus d’une fois à me bluffer. Une main l’a peut-être fait changer d’avis. Je relance à 55 $ en milieu de parole avec J♣-10♣. Il 3-bet au cutoff à 140 $. Le flop s’ouvre sur K♥-Q♣-9♥. En général, sur un flop aussi connecté contre un adversaire qui a effectué un 3-bet, je ne temporise pas. Mais, comme ce type avait l’habitude d’effectuer des 3-bets contre moi avec un panel très large, je me suis dit que sous-jouer et donner l’impression d’être faible était la meilleure stratégie. Comme prévu, il a misé à chaque avenue pour tenter de me sortir du coup, et j’ai chaque fois effectué un check-call. J’avais calculé qu’il serait obligé de miser son tapis à la rivière. Mal lui en a pris.