Par Mickael
Le joueur de poker idéal est celui que l'on voit dans les films. Il est calme, posé, en harmonie avec lui-même et le monde qui l'entoure. Le héros d'un film bien hollywoodien n'est jamais un joueur nerveux et sur le front duquel perle la sueur à grosses gouttes. Il s'agit la plutôt de celui qui perd tout en misant toute sa possession sur une carte.
Le joueur de poker en ligne moyen oscille entre ces deux extrêmes. S'il est parfois parfaitement concentré sur son jeu, et maîtrise les débats, il perd parfois complètement les pédales, que ce soit pour enfin gagner un gros pot, ou pour se venger d'un énième badbeat.
Cet état de perte de contrôle est appelé le tilt. Il est le résultat d'un phénomène psychologique que l'on pourrait décrire ainsi :
Un joueur s'abandonne complètement à une ou plusieurs émotions négatives, comme la colère, le désespoir ou la résignation, et essaye de forcer le destin. Il ignore alors les règles qu'il s'était lui-même fixé, et les pertes qu'engendre son jeu de plus en plus incontrôlé, peuvent anéantir tout ou partie de sa bankroll.
Le onzième homme
Le tilt est le onzième homme à la table (ou le septième si vous jouez en shorthanded). Il ne mise pas de blinds, et attend patiemment son heure, afin de vous délester d'une bonne partie de votre bankroll.
Un joueur en tilt ne prend aucun plaisir à jouer. Il ne fait que jeter de l'argent par les fenêtres, voire dans les mains d'un joueur qu'il aurait normalement dominé de la tête et des épaules. Et à la fin de ces sessions éprouvantes, ne reste qu'un amer sentiment d'impuissance.
Sitôt que vous commencez sérieusement à jouer au poker, il vous faut vous pencher sur ce phénomène. Le tilt n'est pas quelque chose qui tombe soudain du ciel, et contre lequel vous ne pouvez absolument rien faire. Il y a des déclencheurs, et des signes précurseurs, qui peuvent vous permettre de l'éviter.
Il y a des situations typiques qui déclenchent le tilt. Si vous perdez plusieurs gros pots de suite, cela peut-être extrêmement frustrant, et un joueur frustré est très facilement sujet au tilt. La colère après un bad beat, et la haine envers un joueur particulier sont également des émotions qui appellent le tilt.
Au final, toutes les émotions négatives nourrissent le tilt. Si vous êtes, par-dessus le marché, déjà en colère avant même de commencer à jouer, les risques sont décuplés. On ne joue pas au poker juste après un enterrement, et pas uniquement car ça ne se fait pas, mais également parce que votre humeur est trop maussade pour cela.
Keep cool
Assis à une table de poker, vous devriez essayer de voir le monde à travers les yeux d'un hippie : rester cool, quoiqu'il arrive. Si vous n'y arrivez pas, si après deux heures de jeu concentré et de qualité, vous vous ennuyez ou êtes énervé, si vous commencez à vous asseoir sur vos propres consignes de gestion de la bankroll, alors mieux vaut arrêter tant qu'il en est encore temps.
La frontière entre le chasseur et sa proie se situe dans leur reconnaissance respective des moments où jouer, et des moments où il vaut mieux arrêter. On ne joue pas en étant en tilt, de même que l'on ne jouerait pas sa bankroll entière en heads-up face à un joueur heads-up professionnel.
Peut-être qu'après quelques litres de bière, l'idée d'aller jouer votre bankroll contre Phil Ivey peut sembler bonne. Mais elle ne l'est pas. Considérez que le tilt qui s'installe, c'est comme un Phil Ivey qui viendrait s'asseoir à votre table.
Fixez-vous des limites !
Il y a une chose que beaucoup de joueurs de poker mettent du temps à apprendre, c'est la nécessité de bien se préparer avant de se lancer dans une session. Se jeter tête baissée dans la bataille est passé de mode depuis la bataille d'Alésia. Faites-vous une check-list de tout ce que vous devez faire avant une session.
Votre Elephant, ou Hold'em Manager fonctionne-t-il ? Êtes-vous correctement installé ? Avez-vous toutes les charts sous la main ? Ne devez-vous pas aller soulager la nature, avant de commencer à soulager vos adversaires de leurs jetons superflus ?
Fixez-vous une limite de pertes ! Si la session vous échappe, et que vous perdez plus que le montant de pertes que vous vous êtes fixé, alors arrêtez immédiatement de jouer.
Vous pouvez, par exemple, vous faire un petit tas de 5 jetons à gauche de votre clavier. Pour chaque buy-in perdu, ou pour chaque 20 big Bets perdu, par exemple, vous faites passer un jeton à droite de votre clavier. Une fois les cinq jetons à droite, vous arrêter de jouer, sans discuter !
Avant de commencer, réfléchissez si vous désirez jouer pour essayer de progresser et gagner de l'argent, ou juste pour tuer le temps et vous distraire un peu ? Si c'est pour passer le temps, alors des petites limites font aussi bien l'affaire. Si vous commencez à sérieusement vous ennuyer, alors mieux vaut arrêter.
Prenez également le temps de vous faire une petite liste de tous les signes avant-coureurs d'un tilt, y compris ceux qui semblent anodins. N'hésitez pas à ajouter ceux qui vous concernent s'ils ne sont pas dans cette liste type.
Je commente le jeu et insulte mes adversaires.
Je trouve le jeu trop lent.
Je suis bien trop agressif.
J'ai le sentiment de ne pas avoir touché la moindre main depuis une éternité.
Je viens de perdre un gros pot.
Je trouve que mes adversaires sont complètement incompétents.
Je montre mes bluffs, alors que cela n'a aucun intérêt.
…
Ordonnez tous ces points selon leur pertinence, et leur impact sur votre moral, et inscrivez-les sur un papier, que vous gardez à portée de main. Ce sont vos signaux "STOP". Si, durant une partie, vous remarquez que de plus en plus de ces points vous correspondent, alors il vaut mieux arrêter. Apprenez à reconnaître les signes, et à les respecter.
Ce n'est qu'un jeu
Surtout, ne prenez pas le poker trop au sérieux. Détendez-vous. Au final, ce n'est qu'un jeu. Respectez vos adversaires. Vous ne devez pas forcément devenir potes, mais, lorsque vous remarquez que vous voulez à tout prix leur prouver quelque chose, c'est que quelque chose ne va pas. Si vous commencez à en faire une affaire personnelle, alors c'est que quelque chose ne va pas non plus. Si vous ne prenez plus aucun plaisir à jouer, si vous être frustré ou énervé, alors lâchez l'affaire. Vous pourrez jouer une autre fois.
Fixez-vous des objectifs réalistes. Ne croyez pas tout ce que les pubs essayent de vous faire croire. On ne peut pas devenir millionnaire du jour au lendemain. Faites-vous plutôt une liste de ce que vous voulez atteindre durant un mois donné, et essayé de le réaliser. Mais restez réalistes !
Si vous n'êtes pas un black member qui joue aux plus hautes limites, vous trouverez sur les forums bon nombre de joueurs ayant battu la limite à laquelle vous vous trouvez. Demandez-leur combien de temps ils y ont passé. Vous y arriverez également. Mais n'essayez pas de forcer le destin. Si vous jouez correctement, de manière détendue, et en respectant la gestion de la bankroll, alors cela devrait fonctionner.
On pourrait disserter encore longtemps sur le tilt. Mais, pour faire court : acceptez le fait qu'il existe. Penchez-vous sur la question. Essayez de comprendre que, durant un tilt, on ne joue pas raisonnablement. En tilt, vous n'atteindrez pas vos objectifs, et vous risquez même de réduire à néant ceux que vous avez déjà atteint.
Peu importe comment vous le faites, que ce soit avec une limite de pertes, avec un rituel particulier ou en faisant du Yoga : quittez la table lorsque vous remarquez que vous êtes en tilt. Ce n'est qu'un jeu, et on ne joue pas à un jeu dont on est la victime.
Vidéos et articles
Si vous souhaitez en apprendre plus sur les aspects psychologiques du jeu, sur la façon de les maîtriser, et sur l'élaboration d'objectifs réalistes, alors vous pouvez regarder les vidéos de Pascal Kühner. Ce psychologue diplômé a réalisé deux séries de vidéos en collaboration avec PokerStrategy.com. Vous trouverez ces vidéos en cliquant sur le lien ci-dessous : (Ces vidéos ne sont pas encore disponibles en français, mais elles devraient arriver dans un futur proche. Nous vous en informerons sur la page de news.)